Amina n’a, dit-elle, jamais songé à aller voter, mais elle pourrait changer d’avis d’ici à mercredi 22 novembre. Ce jour-là, lors des élections législatives, les Néerlandais se rendront aux urnes pour tourner la page de l’ère Mark Rutte, le dirigeant libéral qui aura gouverné le royaume durant treize ans. Cette quinquagénaire d’origine algérienne, qui préfère taire son nom de famille, habite dans l’une des barres d’immeuble d’Immerloo II, un quartier d’Arnhem, dans l’est du pays. Là, près de 70 % des habitants sont d’origine non européenne, 60 % d’entre eux n’ont qu’un diplôme d’école primaire et 96 % des logements sont des HLM : Immerloo II est la zone la plus pauvre de ce pays riche. Le revenu annuel moyen des ménages y est de 27 700 euros, près de trois fois inférieur à la moyenne nationale.
A la sortie de la maison de quartier, Amina n’est pas découragée par la pluie battante pour détailler son soudain intérêt pour la politique. Ou plutôt, pour Pieter Omtzigt, le dirigeant du Nouveau Contrat social (NSC), le parti créé en août par ce dissident chrétien-démocrate devenu le trouble-fête de l’élection.
Cet homme a défendu, seul contre presque tous – et contre le gouvernement de Mark Rutte –, les victimes de l’énorme scandale dit « des allocations ». Un système d’algorithmes mis au point en 2013 pour repérer des fraudes aux allocations familiales se résumait, en fait, à une sorte de profilage racial aux conséquences dramatiques : accusées à tort, des dizaines de milliers de familles, souvent pauvres, ont été obligées de rembourser des sommes auxquelles elles avaient vraiment droit.
Traquées par les services fiscaux, certaines ont plongé dans l’endettement, d’autres ont été expulsées de leur logement, quelque 2 000 enfants ont été enlevés à la garde de leurs parents. Environ 90 000 jeunes furent les victimes d’une discrimination dont les autorités ont reconnu, en 2022 seulement, qu’elle découlait d’un « racisme institutionnel ».
« Pieter Omtzigt a, lui, réclamé la justice pour tous ces gens, se souvient Amina. Dans ce quartier, on ne se parle pas beaucoup, mais j’espère convaincre des gens d’aller voter pour lui. » Le thème des discriminations arrive loin derrière l’immigration, le logement, le climat ou la santé dans les préoccupations des électeurs néerlandais, mais le combat du dirigeant du NSC, couplé à sa volonté de « changer le système », lui a valu une grande popularité. Son retour à La Haye fin 2021, après un burn-out de seize semaines consécutif au tombereau d’insultes qui lui avait été adressées par des adversaires, mais aussi des amis politiques, a marqué le début de son ascension.
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